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« Les Serge, Gainsbourg point barre » : stand up brillant

Hélène Kuttner 17 mai 2019
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© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

Après « Comme une pierre qui… » qui célébrait Bob Dylan au Studio de la Comédie-Française, Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne remettent le couvert pour Serge Gainsbourg avec un spectacle formidable, en forme de stand-up musical et théâtral. Sur scène, guitares, pianos, percussions, clarinette et trombone, un véritable orchestre pour six comédiens-musiciens et chanteurs qui font battre le coeur des plus fortes chansons de l’artiste et font vibrer son âme de poète.

A chacun son Serge

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

Les grands artistes ont ceci de commun que leur génie est multiforme, et qu’on ne peut les réduire à un aspect ou à une époque de leur vie. Serge Gainsbourg, né Lucien Ginsburg en 1928, de parents juifs russes, artistes tous deux ayant fui le bolchévisme et le nazisme, a commencé par la peinture avant d’écrire des chansons. Timide, mal dans sa peau, souffrant de sa laideur, celui qui fut bercé par Georges Gershwin et Dizzie Gillespie, Billie Holliday et Django Reinhardt, avant d’admirer Charles Trenet, puis d’être protégé par Boris Vian, connut le véritable succès dans les années soixante avec France Gall et l’Eurovision. Acide, provocateur, moqueur, intransigeant avec les autres comme avec lui-même, Gainsbourg fut surtout un artiste à la sensibilité exacerbée et à l’intelligence aigüe, fou de poésie, amoureux de la langue, de ses mots et de ses rythmes, qu’il mixa, façonna à la mode du yéyé, du rock, de la pop ou du reggae, au fil des époques et des femmes qui furent ses muses. Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux, fous de musique et de Gainsbourg, se sont entourés de Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, Rebecca Marder et Yoann Gasiorowski, tous acteurs du Français et instrumentistes, pour créer un cabaret où s’enchaînent les plus belles chansons du poète. 

La puissance du collectif

 

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

Reliées par des extraits d’interview célèbres, entrecoupées par des interventions personnelles des acteurs, les chansons sont interprétées tour à tout par chacun d’eux, orchestrées grâce aux très beaux arrangements de Guillaume Bachelé, Martin et Vincent Leterme et des Serge eux-même. Certaines sont chantées à plusieurs, et dans ce concert de voix masculines, la mutine Rebecca Marder joue les Lolita qu’affectionnait le maître. « Le Poinçonneur des Lilas », « L’eau à la bouche », « Love on the beat », « Les Sucettes », « La Javanaise » sont parmi les dix-sept morceaux interprétés en direct et accompagnées par les comédiens musiciens à la guitare, la batterie, la basse, le trombone la clarinette ou le piano. Ils y mêlent le talent -Stéphane Varupenne est Premier Prix de Conservatoire- et sensibilité personnelle, chacun s’appropriant une chanson selon un thème et lui offrant une atmosphère. Entre les morceaux, on parle, on interviewe, on glose, on met en boite, mais Gainsbourg est toujours gagnant, d’un pessimisme et d’une lucidité de survivant. A voir ainsi des jeunes interprètes s’emparer du patrimoine sulfureux des générations précédentes, avec une gourmandise, une malice tout a fait sincères, sans jamais tomber dans le cliché grivois, offrant au contraire au public la saveur même de l’inspiration créatrice et de la surprise, quel bel hommage. Sentimental, Gainsbourg, amoureux ? Sans être fleur bleue, « « Serge Gainsbourg ne parlait que d’amour et de désir. « Les Serge » s’en emparent avec une tendresse frénétique, qui ravit le public de bonheur.

Hélène Kuttner

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